4.6.10

Paradis suisse et enfer français : les chiffres parlent !

Une expérience intéressante : comparer une feuille de paie en France avec une feuille de paie en Suisse. Il s'agit de données réelles, extraites de feuilles de paie réelles, que j'ai eues entre les mains !

Plutôt que de tenter de comparer des montants non comparables, avec des systèmes "sociaux" très différents (avec de plus l'occultation du "salaire complet" en France), j'ai préféré d'abord mettre les données brutes. Au lecteur de juger où est le paradis et où est l'enfer. Mes remarques finales l'y aideront.

----------------------------------------

Voici d'abord une feuille de paie d'un salarié (à temps partiel), frontalier, en Suisse (Genève) :

Salaire de base : 5700 CHF

Retenues :
- AVS/AI/APG          5.05% sur 5700 =  287.85
- chômage             1.00% sur 5700 =   57.00
- assurance maternité 0.04% sur 5700 =    2.60
- impôt à la source   2.76% sur 5700 =  157.30
- LPP                                =  806.00
           Total déductions sociales = 1310.75 CHF
           soit 23% du salaire de base (impôts compris !)

Explications complémentaires :

- AVS/AI/APG : c'est l'assurance retraite (AVS) et invalidité (AI), appelée aussi "premier pilier" (prévoyance étatique obligatoire)
- LPP (fonds de prévoyance professionnelle), c'est l'assurance retraite complémentaire, appelée aussi "deuxième pilier", obligatoire à partir d'un certain revenu
- l'impôt à la source est prélevé pour le canton de Genève. Le taux de 2.76% correspond à la tranche 5650-5700 CHF pour personne mariée sans enfant (barême B).

Remarques importantes :

1) l'assurance maladie est privée, et donc à la charge de chacun (compter 400 CHF pour quelque chose de correct)

2) à la différence du système français, il n'y a pas de charge patronale, sauf l’assurance accident (LAA), obligatoire pour les salariés, totalement prise en charge par l'employeur pour les accidents professionnels et non-professionnels. Ne connaissant pas son montant (qui résulte d'une négociation entre l'employeur et la compagnie d'assurance), je n'en ai pas tenu compte (ça ne devrait pas dépasser, je pense, quelques petites centaines de CHF par employé, sans doute moins que ça).

----------------------------------------

Voici une feuille de paie du même salarié (cadre, à temps partiel), dans un emploi similaire en France (pour aller plus vite je n'ai pas fait figurer les centimes d'euro - sauf quand nécessaire-, ni les taux, ni la base):

Salaire de base : 3480 EUR

CSG non imposable (retenue salariale)                 176
CSG (retenue salariale)                                82
CRDS (retenue salariale)                               17
accident du travail (retenue patronale)                38
assurance maladie (part salariale)                     26
assurance maladie (part patronale)                    445
assurance vieillesse déplafonnée (part salariale)       3
assurance vieillesse déplafonnée (part patronale)      55
assurance vieillesse (part salariale)                 190
assurance vieillesse (part patronale)                 237
allocations familiales (retenue patronale)            187
contribution jour de solidarité (retenue patronale)    10
retraite ARRCO taux A (part salariale)                 85
retraite ARRCO taux A (part patronale)                128
retraite AGIRC taux B (part salariale)                 47
retraite AGIRC taux B (part patronale)                 78
contribution exceptionnelle temporaire (part salariale) 4
contribution exceptionnelle temporaire (part patronale) 7
APEC (part salariale)                                   0.15
APEC (part patronale)                                   0.22
AGFF taux A (part salariale)                           22
AGFF taux A (part patronale)                           34
AGFF taux B (part salariale)                            5
AGFF taux B (part patronale)                            8
retraite supplémentaire d'entreprise (part salariale)  17
retraite supplémentaire d'entreprise (part patronale)  35
ASSEDIC (part salariale)                               83
ASSEDIC (part patronale)                              139
garantie incapacité-invalidité (part salariale)         4
garantie incapacité-invalidité (part patronale)         6
garantie décès (part salariale)                         2
garantie décès (part patronale)                         4
mutuelle d'entreprise (part salariale)                 47
mutuelle d'entreprise (part patronale)                 34
taxe sur salaires (retenue patronale)                 392
diverses retenues patronales                          230

Total retenues salariales                             818 EUR
Total retenues patronales                            2075 EUR


Salaire net résultant                                2662 EUR


----------------------------------------

Conclusions :

- la feuille de paie suisse est très simple, on a tout en quelques lignes. La feuille de paie française est illisible, sauf à être un archéologue spécialiste des diverses strates de prélèvements que la géologie sociale française a déposées au cours du temps !

- le terme de "salaire de base" est trompeur. On voit qu'en France le salarié coûte beaucoup plus cher à son patron qu'en Suisse. La base de comparaison devrait donc être le "salaire complet", c'est-à-dire tout ce que paie l'employeur, qui devrait revenir en droit au salarié, en totalité. Le salaire complet dans le cas de figure français, est de 3480 + 2075 = 5555 EUR.

- Au final, le salarié ne reçoit en France que 2662 EUR = 48% du salaire complet ! En Suisse, il reçoit 4390 CHF = 77% du salaire complet (la comparaison étant légèrement faussée du fait que l'assurance maladie n'est pas décomptée du salaire suisse - en revanche l'impôt sur le revenu l'est).

- La seule assurance maladie représente en France 746 EUR pour ce cadre moyen (176 + 82 + 17 + 26 + 445), alors qu'en Suisse il aurait l'équivalent pour moins de 300 EUR (montant fixe, quel que soit son salaire) !

3 commentaires:

Pro Libertate a dit...

Excellent article!

Deux commentaires:

- Il manquent les parts patronales pour le salaire Suisse, qui devraient normalement être indiquées:

- 5.05% d'AVS/AI
- à peu près 1 à 3 fois le 2ème pilier, part employé (en fonction de l'âge)
- une part pour l'assurance chômage, mais je n'ai plus le taux en tête. 1%?

Quant à l'assurance maladie: pour la part obligatoire, la couverture est identique pour toutes les assurances, car préscrite par la loi, par contre le coût peut varier fortement. De plus, on peut choisir une franchise plus élevée, jusqu'à 2'000 ou 2'500 Fr par année. Dans ce cas, le coût diminue aussi fortement. A Genève, je ne sais pas, mais au canton de Vaud, on peut obtenir l'assurance de base pour environ 180 Fr/mois.

georges lane a dit...

Excellent.

Bravo pour l'information.

J'espère qu'elle sera reprise et commentée en long et en large.

Une critique néanmoins mais minime bien sûr pour une imprécision.

Dans les deux cas, vous parlez du "salaire de base".

Vous devriez être plus précise :

dans le cas français, le "salaire de base" est le "salaire brut", notion de prétendu "droit de la sécurité sociale" qui ne signifie rien économiquement, le prix du travail étant le "salaire brut" augmenté des prétendues cotisations payées par l'employeur alors qu'elles sont payées par l'employé.

Politiquement, le "salaire brut" est le fromage sur quoi discutent hommes de l'Etat et hommes de la sécurité sociale.

Dans le cas suisse, le "salaire de base" est-il le prix du travail effectivement payé par l'employeur, mais en fait par le client, ou une "espèce de salaire brut" ?

Excellent néanmoins.

Puissiez-vous seulement mettre la main sur des feuilles d'Allemagne, d'Italie, etc. pour élargir l'éventail et rendre évident le cul-de-basse-fosse où les employés se trouvent en France.

Cordialement

Didier Trosset a dit...

Bonjour,

une petite erreur de votre part concernant les cotisations en Suisse. Et effet, les taux et montants de cotisation apparaissant sur la fiche de salaire suisse correspondent en fait uniquement à la part salariale des cotisations. La "part patronale" étant égale à la "part salariale".

Dans les textes Suisses d'ailleurs, ces taux de cotisations sont définis globalement à la somme des deux parts, en précisant : "Les cotisations sont à parts égales à la charge du travailleur et de l’employeur."

La cotisation AI/AVS/APG est de 10,1 %, d'où les 5,05 % sur la fiche de salaire. La cotisation chômage de 2 %, d'où les 1 % sur la fiche.

Ce qui n'enlève rien à cette brillante démonstration.

Sur ce sujet, une société d'Annecy avait défrayé la chronique il y a quelques années en venant s'établir en Suisse, à Genève. Tout compts faits, margré des salaires nets payés à ses salariés qui avaient pour ainsi dire quasiment doublé, les montants des salaires complets (les coûts employeurs) étaient plus faibles !